J'ai eu l'occasion d'obtenir un article publié par l'AFVAC (L'association Française des Vétérinaires pour Animaux de Compagnie) consacré aux intoxications des chiens par des noix moisies. Compte tenu de la morbidité et de la saisonnalité des cas - principalement maintenant (de janvier à mars) - il me semble intéressant de le publier. On aurait en effet tendance à trouver anodin le fait qu'il joue avec une noix Soyez vigilent !
Les noix moisies : une étiologie à ne pas négliger lors de convulsions chez le chienELODIE ADAMCZYK
69280 MARCY L'ETOILE
Coauteurs : Tavernier Laurence / Minaud Gaëlle / Roque Florence / Queffélec Stéphane
Année de parution 2019
AFVAC le Congrès Lyon 2019
I. IntroductionLe Centre National d'Informations Toxicologiques Vétérinaires (CNITV) reçoit environ 20 000 appels/an concernant les effets de toxiques sur les animaux ou sur l'environnement. A ce titre, le CNITV a constaté au cours des mois de janvier et février 2019, le signalement d'un nombre inhabituellement important de suspicions de cas d'intoxication par des noix moisies chez des chiens. Cette intoxication mérite d'être connue du vétérinaire qui peut être confronté, à son échelle, à de petites « épidémies » sans que les propriétaires n'évoquent spontanément l'exposition à ce toxique, jugé parfois, à tort, anodin. Cette étude rétrospective décrit l'épidémiologie des cas de suspicion d'intoxication de chiens par des noix moisies reçus au CNITV du 1er janvier 2009 au 21 février 2019.
II. Matériel et méthodesLe CNITV collecte les cas reçus dans une base de données, VTox
, qui compte à ce jour plus de 354 000 cas. Pour cette étude, ont été extraits de la base les cas reçus entre le 01/01/2009 et le 21/02/2019 concernant le chien et pour lesquels les toxiques suspectés comprenaient « noix » et « mycotoxines ». Pour qu'un cas soit inclus dans l'étude, la relation de cause à effet entre l'ingestion de mycotoxines et la survenue de symptômes devait être jugée « probable » ou « certaine » à la lumière des données recueillies (exposition, dose, symptomatologie, délai d'apparition des symptômes, existence d'une autre explication).
III. RésultatsAu total 168 appels répondaient aux critères de sélection. Si la majorité des appels émanent de vétérinaires souhaitant obtenir de l'aide quant à la conduite à tenir (56,5 %), dans 39,3 % des cas, les confrères cherchent une aide au diagnostic face à un chien présentant subitement des troubles neurologiques.
La fréquence des appels concernant des cas de suspicion d'intoxication par des noix moisies chez le chien est très variable d'une année à l'autre, allant de 0,6 ‰ (2010) à 1,6 ‰ (2015). On note une très forte saisonnalité puisque 84,5 % des cas sont notifiés entre les mois de janvier et mars. Le début de l'année 2019 marque un pic d'incidence inédit puisqu'entre le 1er janvier et 21 février, 35 appels concernant des suspicions d'intoxications de chiens par des noix moisies ont été relevés, représentant 12 ‰ de tous les appels reçus au cours de cette période.
Les 168 appels extraits de la base VTox
concernaient un total de 248 chiens. Ainsi, 14 % des appels concernent au moins deux chiens, voire, des « séries de cas » (jusqu'à 13 chiens) rapportés par un même vétérinaire. On ne note pas de sur-représentation de races, d'un sexe ou d'une tranche d'âge. La quantité de noix moisies ingérées est souvent inconnue du déclarant ou imprécise (ex. « une poignée de noix moisies »).
La morbidité, pour les 248 chiens, s'élève à 92,7 %. Dans 74,4 % des appels, les premiers signes cliniques apparaissent dans les 12 heures suivant l'ingestion des noix moisies. Des troubles neurologiques sont systématiquement rapportés, comprenant des trémulations (67,8 %), de l'ataxie (28,0 %) et/ou des convulsions (40,5 %). A ce tableau clinique peuvent s'ajouter des symptômes digestifs (vomissements, hypersalivation…) (46,4 % des cas), une hyperthermie (8,9 %) ou des troubles cardiaques (tachycardie, bradycardie, hypotension…) (4,1 %).
La sévérité de la symptomatologie semble fluctuer d'une année sur l'autre. Ainsi, des convulsions sont rapportées dans 54,3 % des cas notifiés en ce début d'année 2019 contre, en moyenne, 36,8 % des cas d'intoxication par des noix moisies reçus entre 2009 et 2018.
L'évolution n'est connue que pour 72 des 248 chiens (29 %). Une guérison sans séquelle est rapportée dans 27,0 % des cas et la mortalité s'élève à 2,0 %. A notre connaissance, aucun cas n'a fait l'objet d'analyses toxicologiques.
IV. DiscussionL'intoxication de carnivores domestiques due l'ingestion d'aliments moisis est décrite dans la littérature scientifique et attribuée à des mycotoxines trémorigènes (le plus souvent penitrem A et/ou roquefortine) produites par des moisissures. Les cas publiés concernent dans leur majorité des chiens ayant ingéré du compost ou des aliments moisis divers (formage, pain, riz…) ; néanmoins, peu d'auteurs décrivent spécifiquement des cas d'intoxication en rapport avec l'ingestion de noix moisies. Les données épidémiologiques issues de cette étude rétrospective concordent avec les données de la littérature. La recherche de mycotoxines et des champignons qui les produisent est rarement réalisée. Le diagnostic est, de fait, souvent présomptif et basé sur la symptomatologie, les circonstances et l'évolution. Le traitement est uniquement symptomatique. Lorsque l'évolution est favorable, les troubles rétrocèdent en général sans séquelle dans les 4 jours.
V. ConclusionL'épidémiologie de l'intoxication par les noix moisies est marquée par une forte saisonnalité et par une symptomatologie à dominante neurologique, de survenue brutale, pouvant toucher plusieurs animaux dans un court laps de temps.
RéférencesBoysen SR, Rozanski EA, Chan DL, Grobe TL, Fallon MJ, Rush JE. Tremorgenic mycotoxicosis in four dogs from a single household. J Am Vet Med Assoc. 2002;221(10): 1441-1444.
Munday JS, Thompson D, Finch SC, Babu JV, Wilkins AL, Di Menna ME, Miles CO. Presumptive tremorgenic mycotoxicosis in a dog in New Zealand, after eating mouldy walnuts. N Z Vet J. 2008;56(3): 145-148.